Marseille doit devenir ce qu’elle est, une grande capitale culturelle européenne, française et méditerranéenne.
Un Manifeste pour que vive la culture venu du Sud, du Printemps Marseillais, a recueilli en quelques jours plusieurs milliers de signatures. L’équipe municipale a gagné la ville après 25 années de règne de Jean-Claude Gaudin, et plongé aussitôt, après un été euphorique, dans la gestion de la crise de la COVID, et la fermeture contrainte des lieux culturels. Marseille doit devenir ce qu’elle est, une grande capitale culturelle européenne, française et méditerranéenne
Refusant de renoncer à leur programme culturel ambitieux, Benoit Payan (PS), maire de Marseille et Jean-Marc Coppola (PCF), son adjoint à la culture, proclament au mois de mars 2021, un an après le premier confinement, « l’état d’urgence culturelle ». Et demandent de l’aide de l’Etat, des collectivités, de l’Europe, de l’Education Nationale, des mécènes… tous singulièrement en retrait dans la deuxième ville de France.
« Chacune et chacun d’entre nous est privé depuis de longs mois de sa relation particulière à l’art et à la pensée. L’abstinence imposée de spectacles, de musiques, de fêtes et de contacts avec les autres nous plonge peu à peu, quelle que soit notre génération et notre condition sociale, dans un désarroi inédit. Nous ne pouvons pas simplement attendre que les théâtres, les musées, les salles de spectacle et de cinéma ouvrent à nouveau leurs portes.Parce que le partage des émotions et de la pensée nous sont essentiels, il est urgent de réaffirmer et d’affermir nos droits culturels. En cette période bouleversée, nous devons sauver le présent et préparer l’avenir. »
Pourtant la nouvelle municipalité fait face à un bilan catastrophique sur certains points : des bâtiments culturels municipaux mal entretenus, un budget extrêmement contraint et grevé par de lourds emprunts hérités, pas d’éducation musicale dans ses écoles, 1200 élèves au Conservatoire dans une ville de plus de 860000 habitants, des musées qui peinent à ouvrir faute de personnel, un nombre d’abonnés dans ses bibliothèques parmi les plus faibles de France…
Mais l’ambition de la nouvelle municipalité ne faiblit pas : s’appuyant sur un tissu associatif inventif et foisonnant, sur des équipements labellisés qui ont pris l’habitude de composer avec la disette, Jean-Marc Coppola veut donner un nouveau souffle aux bibliothèques et aux musées en recrutant le personnel nécessaire, et se penche sur une éducation artistique qu’il veut ouverte à tous, pour offrir à chaque jeune marseillais un rapport personnel et intime à l’art, et aux artistes. Son ambition ? Qu’au terme du mandat l’Education Artistique et Culturelle concerne tous les élèves des écoles primaires et secondaires.
Pour cela, outre la remise en ordre du patrimoine bâti et des établissements municipaux – musées, bibliothèques, conservatoire, Ecoles d’Art et Opéra- il veut s’appuyer sur le tissu associatif, souvent très impliqué dans des projets participatifs des quartiers populaires de la Ville, de son centre jusqu’aux quartiers périphériques. Car à Marseille, les banlieues font partie de la ville : ces « quartiers nord », qui comprennent des zones parmi les plus pauvres d’Europe, ne s’opposent pas au centre ville, marqué par les effondrements des immeubles de la rue d’Aubagne, et les délogements massifs qui lui ont succédé. La ville est socialement et culturellement fracturée aux quartiers sud, globalement riches, sont pauvres en équipements artistiques.
Il s’agit donc de redonner du souffle aux acteurs culturels, en leur faisant, enfin, confiance. De les comprendre, de les accompagner dans leurs singularités, en dynamisant la création, en passant commande de spectacles et de concerts, en rendant possibles les résidences d’artistes et d’auteurs, et en augmentant le volume global des subventions. Et d’y faire accéder de nouveaux acteurs : les équipes artistiques, en particulier celles composées par des femmes ou de jeunes artistes, ont trop longtemps été négligées ; la culture hip hop, d’une rare vitalité à Marseille, a été ignorée par la municipalité précédente ; les festivals méditerranéens et les cultures issues des différentes migrations ont tissé la ville, dans le désintérêt des édiles ; les médias alternatifs et participatifs, qui s’attachent à donner une voix à tous, sont au bord permanent de la faillite ; comme les petits lieux, les associations qui s’attachent à faire vivre la vie de quartier, la vie nocturne, dans une ville très étendue aux transports collectifs déficients…
Le chantier est énorme, mais l’énergie de chacun, contenue durant des années, réfrénée durant la crise sanitaire, ne demande qu’à être enfin déployée. Les premiers signes de ce changement culturel, qui devraient être manifestes durant « L’Eté Marseillais » qui verra les parcs et équipements publics programmer des spectacles et des concerts gratuits sur tout le territoire, seront peut être le signe d’un changement possible à l’échelle du pays. Parce que « Marseille doit devenir ce qu’elle est » : une deuxième capitale culturelle, rebelle, diverse, ensoleillée, émotive, antique, jeune et polyglotte…
Un modèle ?
Agnès Freschel [1]Fondatrice du Journal Zibeline en 2007, rédactrice et chef et directrice de publication depuis la fondation Auparavant journaliste culture à La Marseillaise, professeur agrégée de Lettres à … Continue reading
References
↑1 | Fondatrice du Journal Zibeline en 2007, rédactrice et chef et directrice de publication depuis la fondation Auparavant journaliste culture à La Marseillaise, professeur agrégée de Lettres à Marseille, auteur d’un livre sur Angelin Preljocaj (Actes Sud). Élue aux élections municipales de 2020 sur les listes du Printemps marseillais, elle est Adjointe aux Cultures et aux Mémoires du Premier Secteur de Marseille |
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