Roselyne Bachelot ou la stratégie de l’absence

S’il y a bien une figure ministérielle qui brille par son absence dans le débat politique et culturel public c’est bien notre dernière ministre de la culture. Ses prédécesseurs-e-s avaient tendance à parler beaucoup pour couvrir d’un bruit, « de gauche » et/ou  « politiquement correct », une action qui ne l’était pas.

La stratégie de Roselyne Bachelot est tout autre : elle couvre d’un silence complice l’action gouvernementale et ne s’adresse aux acteurs culturels qu’en petits comités, le plus souvent choisis pour ne pas faire de déclaration  fracassante en sortant de son ministère.

Mais voilà qu’elle vient de confier au journal La Croix un entretien dans lequel elle évoque quelques aspects de sa politique. Parce qu’elle en a une, même si on en doutait. Regardons donc de plus près.

La ministre commence-t-elle par des mots de compréhension voire de compassion pour les artistes,  les techniciens du spectacle et plus largement tous les acteurs culturels qui vivent la période actuelle dans une très grande souffrance ? Autant, sinon plus, pour ne pouvoir s’exprimer que seulement pour des raisons matérielles. Est-elle prête à examiner avec leurs représentants des modalités qui permettent d’exercer leurs métiers tout en respectant les contraintes sanitaires du moment ? Que nenni ! Elle leur propose des « hypothèses » dont la pire, envisagée en premier, prévoit de nouvelles restrictions (??), et la « meilleure », peut être une réouverture progressive des musées !

Quelle est donc l’issue d’après elle ? Soutenir financièrement ce qu’elle appelle les « zones grises », tous ces invisibles qui œuvrent au quotidien au nom de l’art, de la culture. A la question, ne craignez- vous donc pas d’accélérer la rupture qui s’instaure entre les français et la culture elle répond que le gouvernement fait ce qu’il faut pour l’empêcher mais que tout cela est la faute des partis politiques qui ne font pas de la culture un enjeu fort de leur politique !!

Peut-être ignore-elle l’histoire du PCF qui vient de fêter son centenaire, et dont l’un des traits majeurs est d’entretenir des liens étroits entre l’art et les artistes, la culture, l’éducation populaire et sa politique émancipatrice.

Mais que dire de LAREM, le parti macroniste du gouvernement auquel elle appartient et des  autres composantes de la droite auxquelles elle a appartenu qui considèrent tout cela comme non essentiel ! Sa passion bien connu pour l’opéra ne la dédouane pas et devrait au contraire l’inciter à balayer devant sa porte et nous dire l’état de sa propre réflexion.  Elle préfère se féliciter que les français aient une grande activité culturelle dans l’espace de l’habitat. C’est un peu court Madame ! 

Il parait aussi que la question de la démocratisation reste centrale mais sa seule réponse c’est….. le mort-né Pass-culture à qui il faudrait donner une nouvelle vie, sans doute pour le plus grand profit des produits culturels marchandisés. Par contre comme elle s’adresse aux lecteurs de La Croix elle rappelle que la défense du patrimoine est une de ses priorités et donne son point de vue sur le chantier de Notre Dame de Paris.

Rien sur la lutte contre les GAFAM. Rien sur les auteurs, les plasticiens, les intermittents sinon pour leur promettre des aides qu’ils attendent toujours.

Tout juste un mot de soutien aux journalistes mais rien sur les aides à la presse indépendante des grands groupes. Rien surtout sur le sens de l’art et de la culture dans les temps troublés que nous traversons.

Décidément ce premier mandat de Macron avec ses multiples ministres de la culture ne restera pas dans l’histoire culturelle du pays sinon pour avoir, comme ses prédécesseurs, poursuivi une politique néolibérale au service de la marchandisation de la culture, de l’aggravation des inégalités culturelles et de la poursuite de la chronique de la mort annoncée des politiques publiques de la culture.

Alain Hayot