5000

« 5000 », c’est donc l’annonce de la semaine [1] annonce de Roselyne Bachelot, ministre de la culture, le 23 février 2021 : ce prochain été, soumis à l’extrême exigence de rester sagement assis et en plein air, on pourrait donc assister à un spectacle programmé par un festival à condition de ne pas dépasser la jauge fatidique des 5000 spectatrices et spectateurs.

J’avoue mon embarras ! On devrait se réjouir de cette annonce ministérielle et pourtant je n’y parviens pas. Non que je soupçonne quelque intention cachée, mais je ne vois absolument pas en quoi cela résoudra la problématique globale des difficultés du secteur du spectacle vivant.

C’est un petit bout de sparadrap sur une plaie béante, une plaie ouverte, hémorragique. 


À l’évidence les festivals musicaux dont les jauges dépassent souvent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs ne pourront s’y résoudre. Trop risqué financièrement ! À cette première difficulté évidente il y en a d’autres. Je passe sur l’incongruité d’organiser des soirées festives sans buvette et sans restauration. Mais par exemple, cette décision semble faire l’impasse sur une difficulté majeure : la plupart des concerts de ces festivals sont programmés avec des plateaux de « stars planétaires » et il faut bien le reconnaître, à l’heure actuelle, nous ne savons rien des conditions de circulation d’un pays l’autre. On pourrait avoir des situations ubuesques, genre pour se présenter sur une scène quelconque française, ne faudrait-il pas au retour passer 10 jours en quarantaine. Tel groupe, pourrait ainsi, pour disons assurer un concert à Nîmes, puis un concert à Athènes, se voir dans l’obligation de passer une vingtaine de jours en quarantaine dans un hôtel éloigné. Lorsqu’on sait que ces groupes font des tournées à l’échelle d’un continent, enchaînant trois dates en France, quatre en Angleterre, 2 en Italie, trois en Espagne, une en Grèce, trois en Allemagne, une en Autriche, deux en Pologne, etc. On voit mal comment les producteurs de ces groupes pourrait s’engager à venir dans des concerts même pour 5000 spectateurs. 
On peut alors se rassurer en se disant que les festivals de l’été vont programmer différemment : artistes renommés certes, mais moins médiatisés, plus confidentiel, pourquoi pas, cela pourrait être occasion de belle découverte. 
Autre question : quid des festivals qui se déroulent en intérieur ? Je pense par exemple au festival d’Avignon, qui hors quelques lieux notablement connus : cour d’honneur, Carrière Boulbon, quelques cours par-ci par-là du « off », se déroulent dans des salles de petites dimensions.

On n’en parle pas pour le moment, parce que la proposition « plein air » ne peut résoudre globalement la question posée. 


Il semble bien donc que rien encore ne soit véritablement résolu. Il est aussi nécessaire de rappeler que la question des intermittents ne sera pas résolue par la tenue partielle des festivals. Ce n’est pas dans les seuls festivals que le volume d’emploi est suffisamment diversifié et suffisamment abondant pour permettre de garantir renouvellement du statut indemnitaire pour les techniciens et artistes, surtout dans des festivals en parti tronqué et en parti annulé. Le problème de l’emploi artistique c’est maintenant ! Pas en juillet ! C’est maintenant que les annonces doivent être fortes, intelligibles, justes, protectrices, créatrices d’espoir.

Denis Lanoy

References

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1 annonce de Roselyne Bachelot, ministre de la culture, le 23 février 2021