Combattre le contrôle des esprits

Avec le quinquennat d’Emmanuel Macron on assiste à une débauche législative sans précédent. Tous les textes adoptés jusque là ou en voie d’adoption, ou presque, ont une finalité liberticide. Serions-nous des témoins impuissants ?

Les mesures prises pour faire face à la pandémie du coronavirus Covid19 se surajoutent. L’état d’urgence sanitaire a permis de mettre en place un régime d’exception, plaçant le Parlement sous tutelle, pour museler l’opposition et faire adopter sans encombre ses projets de loi attentatoires à la démocratie.

Si les libertés syndicales, associatives et politiques ont été les premières à se trouver amputées, si les services publics hospitaliers, la SNCF, l’énergie, la recherche (accusée au terme d’une campagne inouïe de liens étroits avec l’islamo-gauchisme, une expression trouvée dans les poubelles de l’extrême droite), l’université et l’école sont menacés comme jamais ils ne l’ont été, la culture (théâtre, cinéma, spectacles vivants, musique, festivals, musées, bibliothèques, etc.) a été mise en léthargie. L’information, elle, étant de plus en plus mise sous la tutelle de quelques milliardaires. Le protagonistes sont parfois les mêmes.

L’état d’urgence sanitaire n’est qu’un prétexte pour contrôler davantage les esprits.

Armand Mattelart, professeur émérite de sciences de l’information et de la communication, dans un livre sorti en 2007 à La Découverte (La globalisation de la surveillance –  Aux origines de l’ordre sécuritaire), montre que « la multiplication des mesures d’exception dans le cadre de la ‘’guerre globale’’ contre le terrorisme s’est conjuguée, depuis le 11 septembre 2001, sous les régimes démocratiques, avec l’ingérence croissante des dispositifs de surveillance technologique. » Il ajoute : « Toute politique d’exception se surajoute à des dispositions et des doctrines préexistantes. », mais aussi que « le contrôle des corps, leur enrégimentement, implique le ‘’contrôle des cœurs et des esprits’’, des volontés ».

Depuis la parution de ce livre, les lois liberticides se sont surajoutées, avec Sarkozy et Hollande ; aujourd’hui, sans que la fin soit sifflée, Emmanuel Macron tente de peaufiner le dispositif. La pandémie lui offre l’occasion d’accélérer la mise sous contrôle des esprits et des volontés.

C’est en ayant une conscience claire de ce contexte qu’il nous faut appréhender les dangers de la situation.

Macron et Bolloré se livrent une guerre sans merci pour un contrôle accru des contenus des médias ; l’un et l’autre ayant chacun ses alliés, Bernard Arnault, Marc Ladreit de Lacharrière, voire Sarkozy. La bataille de l’information n’aura qu’un vainqueur, l’encadrement accru de l’information au bénéfice d’une faction de droite contre une autre, aussi peu ragoutante l’une que l’autre, d’ailleurs.

Mais, les uns comme les autres ont le même vision de la société, avec un pouvoir vertical fort ; il s’agit pour ces protagonistes de conjuguer les effets des différentes mesures et de laisser s’épanouir un capitalisme de plus en plus sauvage au moment même où les peuples se soulèvent contre ses dégâts.

Si l’information doit être encadrée sévèrement, tout ce qui permet l’émancipation des esprits est également dans le viseur. Fermer les théâtres et les cinémas, les musées et les bibliothèques, annuler les festivals et les spectacles vivants prive les citoyens de ce qui permet d’élargir sa réflexion, ses savoirs, ses connaissances, sa sociabilité, puis de comprendre la marche du monde et de faire reculer les peurs, les préjugés et de démêler le vrai du faux.

Pendant qu’ils s’en prennent aux libertés fondamentales, Macron et les milliardaires ne cessent de vanter l’innovation (on ne parle plus de progrès) et les technologies numériques, les savoirs à portée de clic dans le cyberespace, omettant de signaler que les technologies ne sécrètent pas la démocratie comme le foie sécrète la bile.

La culture n’a plus de place dans une société sécuritaire et de peur.

Armand Mattelart peut parler d’une « confiscation consentie de liberté ».

N’est-il pas l’heure de reprendre l’appel de Bertolt Brecht aux travailleurs du cerveau (artistes, comédiens, plasticiens, musiciens, metteurs en scène, journalistes, liste non limitative) à s’unir pour défendre la liberté de création et d’information dans un même élan en refusant leur confiscation de nos libertés ?

Michel Diard