La liberté d’expression, la qualité de l’information se trouvent gravement menacées en France par les hyper concentrations des media ajoutée à une volonté du pouvoir macronien de contrôler les flux pour imposer une idéologie ultra libérale et freiner toute contestation de fond.
La pandémie n’a fait qu’accélérer une situation où année après année la filière est mise en danger par un pluralisme en berne, une précarisation accrue de la profession de journaliste, des aides à la presse profitant aux groupes les plus nantis, la fin du système coopératif de distribution des titres, et la concentration des moyens d’impression. Sans omettre la réduction drastique du budget du service public. Problèmes auxquels vient s’ajouter le poids des Gafam dans le paysage médiatique et leur emprise sur les recettes publicitaires du secteur. (voir l’article sur les Gafam et les droits voisins).
La presse écrite est particulièrement affectée par les stratégies des grands éditeurs : pratiquement tous les supports papier ont perdu des lecteurs, tous ont recapitalisé. Le transfert vers le numérique n’a pas globalement résolu la stabilisation économique. La désaffection du public face aux médias – en dépit du travail sur le terrain par les rédactions lors de cette crise- se reflète dans le baromètre annuel de La Croix estimant que 71% des publics se défient des media dans leur globalité.
Quant au service public, il se trouve en grande difficulté -et ce bien avant la crise du Covid-19-: coupes budgétaires récurrentes, suppressions d’emplois (Radio France, France 3). L’immixtion de la tutelle dans le fonctionnement du PAF génère des grandes inquiétudes pour son avenir menacé par la réforme de l’audiovisuel public voulue par le Président de la République.
L’origine des maux est connue : en priorité les concentrations au profit d ‘une poignée de milliardaires -Arnault, Bolloré, Pigasse, Dassault, Niels, Kretinski, etc. – qui ont fait main basse sur les contenus et contenants – médias, culture, sports, cinéma, édition, production audiovisuelle, tuyaux, etc.
Les exemples de cette captation capitalistique de l’industrie des contenus sont éclairants.
Le groupe Bolloré détient Universal Music Group et ses multiples labels (EMI, Capitol Music Group, Decca, Deutsche Grammaphon, Polydor, Interscope Geffen, Def Jam Recordings, Republic Records, Blue Note, Virgin Records, etc.). Il contrôle également ”Mars films”, la société de production Banijay Group et L’Olympia.
Le patron du groupe, l’ultraconservateur Vincent Bolloré, propriétaire de Canal+ licencie tous ceux qui mettent en cause son autorité : un humoriste, un journaliste sportif en ont fait les frais. Alors que sur sa chaîne Cnews, la Fox News à la française, les propagandistes de la droite extrême, du complotisme, les Zemmour et Praud, ont carte blanche.
La stratégie du groupe vise à une concentration tous azimuts : volonté d’acquérir les magazines de Prisma.
Insatiable, Bolloré vient de prendre 7,6 % du groupe espagnol Prisa (El Païs, As, Cinco Dias, la chaîne de télévision Localisa et des radios); Prisa est actionnaire du Monde (15 %).
Bolloré entre donc au Monde sans grande réaction de l’inaudible ministre de la culture Roselyne Bachelot.
Cette stratégie du rouleau compresseur s’illustre dans l’actuel bras de fer avec le groupe Lagardère – où Bolloré est désormais le premier actionnaire – pour mettre la main sur le secteur édition (Hachette) pour renforcer Editis et sur les derniers médias (dont Europe 1, le JDD et Paris Match).
Opportunément Arnaud Lagardère qui a reçu le soutien du patron de LVMH, Bernard Arnault (propriétaire des Echos et du Parisien), a bénéficié d’un prêt colossal de 465 millions d’euros via à une garantie obtenue en haut lieu. A noter qu’un prêt de quelques 2 millions d’euros a été refusé à l’Humanité…
Parallèlement, la liberté d’expression est de plus en menacée par l’arsenal de lois liberticides (loi secrets des affaires, loi de sécurité globale, SNMO, etc.). Cette mise sous cloche de l’information vise par la confiscation de la parole à briser toute contestation de l’ordre établi.
Ce qui n’empêche pas les luttes dans le secteur de se développer : manifestations contre la loi de sécurité globale et en particulier la contestation de l’article 24 tendant à interdire photos et vidéos des répressions policières. Mais aussi éclatement de plusieurs mouvements de grève.
A l’Equipe où les salariés du quotidien sportif ont cessé le travail pendant 14 jours – du jamais vu dans ce titre emblématique du groupe Amaury -. Dans la presse professionnelle : une situation conflictuelle au sein du groupe Infopro Digital (Le Moniteur) sur les conditions de travail, les questions de déontologique. A France Télévisions qui connaît un arrêt de travail dans le réseau régional de France 3 contre un projet de réorganisation.
La liste est loin d’être exhaustive.
Patrick Kamenka