Pour atteindre les ambitions de la NUPES il faut absolument articuler aux urgences sociale et écologique l’urgence culturelle. A l’heure où des prétendus experts passent leur temps, par médias interposés, à nous dire ce qu’il faut que nous pensions, des millions de nos concitoyens rêvent d’être partie prenante des décisions qui les concernent au premier chef.
Alors que nous pourrions commencer à en finir avec tous les rapports d’exploitations et de dominations, des questions fortes apparaissent dans le monde du travail comme dans celui de la vie hors travail : qui décide ? Comment faire pour bien vivre ? Quelle société voulons-nous construire ? Quelle humanité voulons-nous-être ? Comment permettre à chacune et chacun le plein épanouissement et la pleine réalisation de soi ? Telles sont les questions, par ces temps troublés, auxquels des millions de personnes veulent pouvoir répondre en citoyens correctement informés et consultés, en citoyens responsables et cultivés. En clair ils veulent décider de leur vie en mobilisant les ressources de leur intelligence et de leur sensibilité. Parce que nous avons une longue expérience de ce point de vue nous pensons qu’il est urgent de remettre les savoirs, l’art, la culture et l’éducation populaire au cœur de la vie de toutes et tous, de chacune et de chacun.
Or que constatons nous ?
Emmanuel Macron a décrété, dès le premier confinement, la culture comme une activité non essentielle !
Quel symbole !
C’est une décision en effet totalement symbolique de la politique culturelle qu’il mène depuis 2017. Des œuvres, des lieux de création et de diffusion artistiques, des festivals, des artistes disparaissent. Pris aux pièges de l’austérité et des critères libéraux les établissements culturels publics voient leurs capacités créatrices, critiques et citoyennes menacées. Dans le même temps une grande partie des jeunes issus des quartiers populaires est frappée par une dépossession culturelle et par une désocialisation, misère sociale, échec scolaire, enfermement territorial et discriminations racistes.
Parallèlement de grands groupes mondialisés, les fameux GAFAM, font main basse sur la production artistique, sur les médias, les réseaux sociaux et l’internet. Ils fabriquent et diffusent massivement des « produits culturels » comme ils disent, parfois de qualités mais le plus souvent standardisés et uniformisés. Par ce biais le capitalisme mondial, dont Emmanuel Macron est un VRP fidèle, tente de promouvoir un consensus autour de sa politique en s’emparant des imaginaires. Ne nous y trompons pas : cette offensive culturelle si elle permet de réaliser des profits colossaux est également au cœur de l’aliénation des classes populaires. Tout est fait pour individualiser leur comportement social et culturel et pour les empêcher de transformer leur colère en une force révolutionnaire.
Notre ami et camarade Jack Ralite avait bien raison de dire : « un peuple qui abandonne son imaginaire à l’affairisme se condamne à des libertés précaires ».
Oui il y a urgence à sauver la culture face la marchandisation ! Mais aujourd’hui un autre danger se profile qu’il nous faut combattre résolument. C’est celui des replis identitaires et de leurs avatars, l’obscurantisme et la haine de l’autre. Comment peut-on supporter plus longtemps le discours d’un Zemmour, relayé par Le Pen mais aussi désormais par Pécresse, Ciotti et cette droite de moins en moins républicaine. Il faut prendre très au sérieux les fantasmes identitaires, racistes et guerriers, il faut non les instrumentaliser mais les combattre comme nous avons toujours combattu tous les racismes et tous les fascismes.
Marchandisation, uniformisation, repli identitaire sont les 3 mamelles de l’ordre culturel du capital et du macronisme !
Cela nous invite d’urgence à repenser et à nous mobiliser autour d’un grand projet pour l’art, la culture et l’éducation populaire. Il nous faut refonder les politiques publiques de la culture autour de 3 chantiers essentiels :
- Le chantier de la création artistique.
- Le chantier de la démocratie culturelle garantissant un lien fort entre exigence artistique et éducation populaire.
- Le chantier de la mondialité culturelle articulant l’universalisme de nos idéaux d’égalité et de liberté à l’exigence de la reconnaissance de l’autre.
Il faut contribuer à un retour en force de la culture, indispensable pour affronter les vents mauvais, renouer les liens entre le réel et l’utopie, et donner un essor nouveau à notre combat émancipateur.
Notre première décision pourrait être d’acter la création d’un Ministère d’Etat de la Culture, de l’Éducation populaire et des médias aux compétences larges et transversales à l’action gouvernementale jusqu’à l’action extérieure de la France et son rôle dans le cadre de la francophonie. Ce ministère au poids politique fort aurait pour mission d’organiser l’élaboration des grandes orientations des politiques culturelles publiques, de garantir leur mise en œuvre. En outre il devrait impulser une action résolue en faveur de l’égalité femme/ homme dans un milieu particulièrement concernée par cette question. Il devrait aussi agir en faveur de la reconnaissance de la diversité notamment dans les nominations. Il devrait enfin donner un nouveau souffle à la création sur des questions aussi essentielles que le rapport nature/culture, l’exploration de notre histoire dans sa complexité ou encore les moyens de lutter pour les droits culturels pour toutes et tous.
Une compétence partagée sera reconstruite entre l’État et les collectivités territoriales. Ce partenariat supposera de maintenir la compétence générale pour toutes les collectivités, de déclarer par la loi que la culture est une compétence partagée entre l’État est les collectivités et de garantir à ces mêmes collectivités les moyens de répondre aux besoins de leurs territoires. Le ministère de la Culture que nous ambitionnons aura pour tâche d’être un facilitateur démocratique, un soutien aux viviers de la création, de l’action culturelle, de la diffusion culturelle. Les nouveaux partenariats Etat/Collectivités seront au cœur de ce projet de refondation du service public de la culture.
Parallèlement et pour atteindre ces objectifs, nous organiserons des Etats-généraux de la culture, interdisciplinaires et décentralisés. Nous favoriserons ainsi la rencontre du monde de l’art, de la culture et de l’éducation populaire avec les forces vives de la nation, associatives, syndicales et citoyennes afin de définir ensemble les grandes orientations des politiques publiques de la culture.
Nous sommes en effet favorables à l’élaboration et au vote d’une loi-cadre, préparée avec les représentants des syndicats de salariés, les syndicats employeurs, les représentants des associations, définissant pour le monde de l’art et de la culture des modalités de financements publiques nouvelles, une refonte de l’intervention de l’État et des collectivités territoriales tant au niveau national qu’au niveau local.
Cette loi cadre remettra sur le métier un plan national pour l’éducation artistique à l’école, de la maternelle à l’Université, articulant son intégration aux programmes scolaires et aux indispensables collaborations avec la création vivante. Elle redéfinira les labélisations des institutions culturelles et artistiques avec de nouveaux cahiers des charges garantissant une liberté totale de création face aux attaques récurrentes des obscurantismes, des dogmatismes et des intégrismes. En même temps ces cahiers des charges établiront des liens culturels forts entre ces institutions et les territoires sur lesquels elles doivent rayonner. Cette loi accompagnera aussi le développement des pratiques amateurs.
L’action publique que nous proposerons aux artistes, aux associations, aux institutions sera orientée vers l’affirmation des droits culturels pour toutes et tous, la réduction des inégalités territoriales, en matière d’équipements et de soutien à la création et à la diffusion, toutes disciplines confondues. Cette loi assurera aux artistes / auteurs, dont la protection sociale est actuellement insuffisante, un authentique statut affirmant leur place irremplaçable dans la création artistique et littéraire, qui soit plus protecteur et garantisse leurs droits sociaux. Dans le même esprit le régime indemnitaire de l’intermittence dans le spectacle vivant sera conforté. Enfin cette loi combattra les discriminations que subissent les femmes dans l’exercice des métiers artistiques et culturels, aussi bien que les discriminations liées aux origines des artistes, à leurs noms comme à leur apparence physique.
Le financement des arts, de la culture et de l’éducation populaire sera considéré comme essentiel et donc prioritaire. Nous voulons consacrer 1 % du PIB à l’intervention publique en matière culturelle, très largement au- delà du misérable 1 % du budget de l’état. Ce qui correspond à une augmentation des budgets publics de l’ordre de 30 %, que nous pensons atteignables en une législature.
Sur les médias
Aujourd’hui quand on parle culture nous ne pouvons éviter de parler des médias et du numérique. Leur place dans le champ culturel est considérable. Or l’information comme la culture se trouvent dépendantes d’une poignée de milliardaires qui possèdent les principaux médias écrits, internet et audiovisuels, mais aussi la production télévisuelle et cinématographique, l’édition, la musique, le sport, les jeux vidéo. On ne peut plus ignorer le poids des GAFAM et des algorithmes, ni l’importance des réseaux sociaux, moyen d’information privilégié des jeunes générations. Réseaux où les usines à trolls, le complotisme et les fakes news pèsent de plus en plus lourdement sur l’avenir des médias et de la liberté d’expression. Les rares médias indépendants des grands groupes, des banques, du système, sont menacés d’extinction et il est important de savoir que les journalistes, à quelques « éditocrates » près, sont souvent les premières victimes de ce système.
Il faut donc clairement poser la question de la liberté de l’information, de la création et de la diffusion culturelle dans cette France du XXI° siècle dominée par les oligarques de la presse comme de l’internet qui tentent de contrôler les opinions, le débat public et toute contestation de l’ordre établi d’autant que des lois liberticides initiées par le chef de l’Etat et son gouvernement veulent corseter le droit d’expression et de manifestation.
Nous proposons d’organiser un grand débat public sur la reconquête des libertés dans les médias. Car sans information libre, sans liberté de création et de diffusion, il n’est pas de démocratie.
Nous proposons :
– De mettre un coup d’arrêt aux concentrations dans la presse et les médias audiovisuels. En exigeant le rétablissement du pluralisme des titres et le droit à une information véritablement digne d’une démocratie du XXI° siècle. Notamment en donnant aux rédactions et aux journalistes une indépendance juridique face aux actionnaires des grands groupes de télécommunication, en révisant le système des aides à la presse, mais aussi en créant un service public de l’impression et de la distribution. Retrouver l’esprit sinon la lettre des ordonnances de 1944 sur la presse qui dans leur essence coupaient le cordon ombilical avec les puissances d’argent.
– De soutenir et développer un service public de l’audiovisuel doté de moyens accrus et libéré de l’emprise du marché. Le Pen, Pécresse, Zemmour et même Macron veulent la mort du Service Public. Nous nous voulons sa pérennité, son développement et sa démocratisation en l’inscrivant dans la Constitution de la République. Pourquoi ne pas poser l’exigence du retour de TF1 dans le service Public ?
– De mettre sur pied un Conseil supérieur des médias démocratiquement constitué, incluant dans ses missions la consolidation du pluralisme de la presse et de la liberté d’informer et de créer. En son sein nous proposons la refonte du CSA avec la participation des représentants du personnel, des représentants des auditeurs et des téléspectateurs, des parlementaires.
– De mieux réguler l’internet en obligeant les GAFAM à payer leurs impôts en France, à financer la création artistique et à respecter les libertés. Nous voulons aussi faire reculer la fracture numérique, et mieux réguler les réseaux sociaux. Nous réfléchissons enfin à créer une plate-forme publique numérique au service des citoyens, des collectivités et des administrations, contribuant à libérer le Net de l’emprise des GAFAM.
Vous le voyez il est urgent de mobiliser les artistes, les intellectuels, les chercheurs, les journalistes, les créateurs et les acteurs culturels mais aussi les animateurs du mouvement social et citoyens pour engager avec eux un nouvel essor de l’art, de la culture et de l’éducation populaire ainsi que la démocratisation des médias dont notre pays a besoin pour affronter les grands défis actuels : de la lutte pour l’égalité à la défense de l’environnement, du féminisme à la révolution numérique, du refus de tous les racismes au combat pour la paix en Europe et dans le monde.