Subvention ou subversion ?


Lors de la tenue du CNPS qui ce mardi 11 mai avait comme sujet majeur à traiter de la délicate question de la reconduction ou pas de l’année blanche pour les intermittents du spectacle la ministre du travail de l’emploi et de l’insertion, Élisabeth Borne, est intervenue à plusieurs reprises en qualifiant les indemnités chômage perçues par les travailleurs du spectacle durant leur période de non emploi de « subventions » au secteur du spectacle. 

Une fois encore, j’en appelle, ici à l’extrême attention que nous devons avoir à l’égard des mots utilisés. 

Ici la ministre, reprenant une antienne chère au patronat, qualifie l’indemnité chômage de « subventions » au milieu de la culture. Elle se démasque ainsi et montre le vrai de son idéologie. Et cela doit nous inquiéter à plus d’un titre. Elle subvertit volontairement le sens de la chose pour imposer de la confusion propre à faire douter de tout et semer le malaise. Revenons au terme. 

La subvention n’est pas un droit, elle un moyen de contribuer par le financement public aux actions de telles ou telles associations, institutions, sur un projet. Elle est attribuée, ou pas, en fonction de critères qui peuvent changer. Elle n’est surtout pas un droit. Elle impose des devoirs, mais n’est pas un droit. L’indemnité chômage, elle, est un droit, définit par le code du travail. Elle est attribuée individuellement pour celles ou ceux qui perdent leurs emplois en fonction de ce qu’ils ont préalablement cotisé (c’est-à-dire travaillé). Qu’une ministre sème à ce point la confusion, à plusieurs reprises dans une même réunion est totalement délibéré. Elle appuie l’idée que l’assurance chômage pour les artistes et techniciens ne sauraient être un droit mais une tolérance accordée par ceux qui gouvernent. Une subvention donc dans sa langue faussée (mais dévastatrice). En faisant ça, elle montre les intentions réelles de qui gouvernent actuellement. 

Elle met aussi, et ça c’est véritablement dangereux pour l’avenir du spectacle, dans la tête de toutes et tous les élus locaux, par forcément très enclin à s’intéresser concrètement au fonctionnement réel de la création artistique une autre idée dévastatrice, car si l’indemnité chômage de par la grâce du langage ministériel devient une subvention à quoi servent donc les subventions (réelles) que viennent solliciter les théâtres, les ensembles musicaux, les troupes, les groupes, les collectifs pour payer les salaires. Il y a donc urgence à désamorcer la bombe langagière que vient de jeter la ministre. Si nous ne le faisons pas, nous verrons s’écrouler d’un coup d’un seul tout le fragile édifice qui permet en France une si grande richesse artistique.